La convention de double imposition : éviter la double taxe internationale
Dans un monde globalisé où les personnes et les capitaux circulent librement, il arrive fréquemment qu'un même revenu ou un même élément de fortune puisse être imposé par deux États différents. Pour éviter cette situation pénalisante, la Suisse, comme de nombreux autres pays, conclut des conventions de double imposition (CDI). Ces accords internationaux sont essentiels pour les particuliers et les entreprises ayant des liens financiers transfrontaliers.
La double imposition juridique survient lorsqu'un même contribuable est imposé par deux ou plusieurs États pour le même objet fiscal (par exemple, le même revenu ou la même fortune) et pendant la même période.
Cela peut se produire dans diverses situations, par exemple :
- Une personne résidant en Suisse travaille dans un pays voisin (frontalier).
- Une personne résidant en Suisse reçoit des dividendes ou des intérêts d'une société étrangère.
- Une entreprise suisse possède une succursale ou un bien immobilier à l'étranger.
- Une personne déménage d'un pays à l'autre en cours d'année.
Sans règles claires, ces situations pourraient entraîner une charge fiscale excessive et décourager les activités internationales.
Une convention de double imposition est un traité bilatéral (conclu entre deux États) qui vise à éliminer ou à atténuer les cas de double imposition. Elle établit des règles claires pour attribuer le droit d'imposer tel ou tel type de revenu ou de fortune à l'un ou l'autre des États contractants, ou aux deux de manière limitée.
Les CDI sont largement basées sur des modèles internationaux, principalement celui de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) et, dans une moindre mesure, celui de l'ONU (pour les relations avec les pays en développement).
Les conventions de double imposition poursuivent plusieurs buts :
- Éviter la double imposition (objectif principal) : Empêcher qu'un contribuable ne paie deux fois l'impôt sur le même revenu ou la même fortune.
- Prévenir la fraude et l'évasion fiscales : Les CDI modernes contiennent des clauses importantes sur l'échange de renseignements entre les administrations fiscales des États contractants, conformément aux standards internationaux.
- Assurer la sécurité juridique : Fournir des règles claires et prévisibles aux contribuables et aux administrations fiscales.
- Éviter la discrimination fiscale : Garantir qu'un résident d'un État ne soit pas traité fiscalement de manière moins favorable dans l'autre État que les résidents de cet autre État.
- Faciliter les échanges économiques internationaux : En réduisant les obstacles fiscaux, les CDI encouragent les investissements et le commerce transfrontaliers.
Les CDI utilisent principalement deux méthodes pour éliminer la double imposition :
- La méthode de l'exonération (Exemption Method) :
- L'État de résidence du contribuable exempte les revenus ou la fortune qui peuvent être imposés dans l'autre État contractant selon la convention.
- Souvent, cette exonération se fait avec réserve de progressivité. Cela signifie que le revenu étranger exonéré est quand même pris en compte pour déterminer le taux d'imposition applicable aux autres revenus (non exonérés) du contribuable dans son État de résidence. Le revenu étranger n'est pas taxé, mais il influence le taux appliqué au reste.
- La méthode de l'imputation (ou du crédit d'impôt - Credit Method) :
- L'État de résidence du contribuable impose le revenu mondial (y compris les revenus de source étrangère).
- Cependant, il accorde un crédit d'impôt pour l'impôt déjà payé dans l'autre État sur les revenus de source étrangère. Ce crédit est généralement limité au montant de l'impôt que l'État de résidence aurait lui-même prélevé sur ce revenu étranger.
Le choix de la méthode (exonération ou imputation) dépend du type de revenu (dividendes, intérêts, salaires, bénéfices d'entreprise, etc.) et est spécifié dans chaque CDI.
Les CDI couvrent généralement :
- Les impôts sur le revenu et sur la fortune des personnes physiques et morales. Certaines peuvent aussi couvrir les impôts sur les successions.
- Les personnes considérées comme résidentes d'un ou des deux États contractants aux fins de la convention. La définition de la résidence fiscale est un élément clé des CDI.
La Suisse dispose d'un réseau étendu de conventions de double imposition, couvrant plus de 100 pays. Ce réseau est essentiel pour une économie très ouverte et fortement intégrée au niveau international comme celle de la Suisse.
- Gestion : Les négociations et la gestion des CDI sont principalement menées par le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI).
- Importance : Elles sont cruciales pour l'attractivité de la place économique suisse, pour les entreprises multinationales ayant leur siège en Suisse, pour les travailleurs frontaliers, et pour les résidents suisses détenant des actifs ou percevant des revenus de l'étranger (et inversement).
- Retenues à la source : Les CDI jouent un rôle clé pour obtenir le remboursement partiel ou total, ou une réduction à la source, des impôts anticipés prélevés sur les dividendes, intérêts et redevances versés entre les États contractants.
Pour invoquer les bénéfices d'une CDI, un contribuable doit généralement :
- Prouver qu'il est résident fiscal d'un des États contractants (souvent via une attestation de résidence délivrée par son administration fiscale).
- Parfois, remplir des formulaires spécifiques, notamment pour demander un dégrèvement (réduction ou remboursement) des impôts retenus à la source sur les revenus étrangers.
Étant donné la complexité des conventions, il est souvent recommandé de faire appel à un conseiller fiscal spécialisé en fiscalité internationale.
Les conventions de double imposition sont des instruments juridiques internationaux indispensables qui assurent un traitement fiscal équitable et prévisible pour les contribuables ayant des activités ou des revenus transfrontaliers. Elles sont fondamentales pour le bon fonctionnement des relations économiques internationales et constituent un pilier essentiel de la politique fiscale internationale de la Suisse, facilitant les investissements, le commerce et la mobilité tout en luttant contre l'évasion fiscale.
Avertissement
Ces informations sont fournies à titre indicatif uniquement et ne représentent en aucun cas un conseil ou une proposition d'investissement.