Le compte numéroté : mythe et réalité de la confidentialité bancaire suisse
Le compte numéroté est l'un des symboles, souvent fantasmé, de la place financière suisse et de son histoire liée au secret bancaire. Il s'agit d'un type de compte bancaire où l'identité du titulaire est connue seulement par un nombre restreint d'employés de la banque, le numéro de compte étant utilisé à la place du nom dans la plupart des communications et opérations internes.
Un compte numéroté est un compte bancaire parfaitement légal pour lequel la banque accepte, en interne et dans certaines correspondances, de remplacer le nom du client par un numéro ou un pseudonyme. L'objectif historique était d'offrir un niveau supplémentaire de confidentialité en limitant le nombre de personnes au sein de la banque ayant connaissance de l'identité réelle du détenteur du compte.
Important : Un compte numéroté n'a jamais été synonyme d'anonymat. L'identité du titulaire du compte a toujours été connue par la banque, au minimum par quelques cadres supérieurs et responsables de la conformité.
- Identification initiale : Lors de l'ouverture, le client devait (et doit toujours) prouver son identité de manière rigoureuse, conformément aux règles de diligence suisses (KYC - Know Your Customer) et à la législation contre le blanchiment d'argent (AML). La banque connaît donc l'identité du titulaire et de l'ayant droit économique.
- Utilisation du numéro : Une fois le compte ouvert, un numéro ou un code spécifique lui est attribué. Ce numéro était utilisé dans la plupart des documents internes de la banque (relevés, ordres...) et parfois dans les communications avec le client, limitant ainsi la diffusion du nom du client au sein de l'établissement.
- Confidentialité interne renforcée : Seuls quelques employés autorisés avaient accès au lien entre le numéro et le nom du client.
Il est crucial de comprendre que la confidentialité offerte par un compte numéroté était et reste limitée :
- Pas d'anonymat vis-à-vis de la banque : La banque connaît l'identité du client.
- Pas d'anonymat vis-à-vis des autorités :
- Lutte contre le blanchiment (AML) : En cas de soupçon d'activités illégales, la banque a l'obligation de communiquer l'identité du client aux autorités compétentes (MROS).
- Entraide judiciaire pénale : En cas de procédure pénale (y compris fraude fiscale grave selon les conventions), la Suisse coopère avec les autorités étrangères et peut transmettre des informations bancaires, y compris l'identité des titulaires de comptes numérotés.
- Échange automatique de renseignements (EAR / AEoI) : C'est le changement majeur. Depuis l'entrée en vigueur de l'EAR, la Suisse échange automatiquement les informations sur les comptes détenus par des résidents fiscaux étrangers avec les autorités fiscales de leurs pays de résidence. Les comptes numérotés sont pleinement soumis à l'EAR. L'identité du titulaire et les informations financières du compte sont transmises. Le numéro ne fournit aucune protection contre cet échange.
Avec la fin du secret bancaire pour les clients étrangers et l'implémentation de l'échange automatique de renseignements, l'attrait principal du compte numéroté a largement disparu pour les non-résidents.
- Pour les résidents suisses : La confidentialité interne renforcée peut encore avoir un certain intérêt pour des personnalités publiques ou des individus souhaitant limiter la diffusion de leur nom au sein de la banque, mais les données restent accessibles aux autorités fiscales suisses si nécessaire.
- Coûts : Les banques facturent généralement des frais supplémentaires élevés pour la gestion d'un compte numéroté, en raison de la complexité administrative accrue.
- Disponibilité réduite : Moins de banques les proposent activement, et ils sont souvent réservés à une clientèle fortunée (private banking) avec des exigences d'avoirs minimums importants.
Le compte numéroté a souvent été associé dans l'imaginaire collectif à des activités illicites ou à l'évasion fiscale. Si, dans le passé, l'ancien secret bancaire a pu être détourné, la réalité actuelle est très différente. La Suisse s'est conformée aux standards internationaux de transparence fiscale et de lutte contre la criminalité financière. Le compte numéroté n'offre aucune protection contre les obligations légales de déclaration et d'échange d'informations.
Le compte numéroté est un vestige d'une époque révolue du secret bancaire suisse. S'il offrait autrefois un niveau de confidentialité interne renforcé au sein de la banque, il n'a jamais été anonyme et n'offre aujourd'hui aucune protection contre les obligations fiscales et les échanges internationaux d'informations. Son utilité est devenue marginale et limitée à des cas très spécifiques de recherche de discrétion interne, moyennant des frais supplémentaires souvent substantiels. La transparence fiscale internationale a rendu ce type de compte largement obsolète comme outil de dissimulation.
Avertissement
Ces informations sont fournies à titre indicatif uniquement et ne représentent en aucun cas un conseil ou une proposition d'investissement.